Abendt Music

Sérénades de musiques sacrées dans l’Allemagne du XVIIème siècle

« Abendmusiken » – sérénades : c’est sous ce nom que dans le milieu du 17ème siècle s’établit une série de concerts publics de musique sacrée dans la Marienkirche de Lübeck. Avec le jeune contre-ténor Arnaud Gluck et un consort de violons a cinque, accompagné par l’orgue, l’ensemble Le Risonanti Sfere dirigé par Julius Lorscheider investit le répertoire sacré allemand du 17ème siècle. Ils créent ainsi leur propre “Abendmusik”, en faisant revivre cette musique imprégnée d’une lourde spiritualité, hautement émotionnelle et caractérisée par une extrême richesse de couleurs, léguée par la tradition de Franz Tunder à Jean-Sébastien Bach, en passant par Dietrich Buxtehude et les membres plus anciens de la famille Bach.

Présentation détaillée du programme

« Abendmusiken » – sérénades, c’est sous ce nom que dans le milieu du 17ème siècle s’établit une série de concerts publics de musique sacrée dans la Marienkirche de Lübeck sous la direction de l’organiste Franz Tunder. Ce qui consistait au départ en de petits concerts d’orgue pour divertir les marchands de Lübeck se transforme peu à peu en concerts, auxquels sont ajoutés « des violons et aussi des chanteurs », avec plus tard l’exécution d’œuvres musicales et théâtrales à grand effectif.

Avec le contre-ténor Arnaud Gluck, nous nous consacrons à des œuvres vocales pour alto et ensemble instrumental de petite taille, à partir desquelles nous créons notre propre « Abendmusik », afin de faire revivre cette musique imprégnée d’une lourde spiritualité, hautement émotionnelle et caractérisée par une extrême richesse de couleurs, que nous a léguée la tradition, de Franz Tunder (1614-1667) à Jean-Sébastien Bach (1685-1750), en passant par Dietrich Buxtehude (1637-1707) et les membres plus anciens de la famille Bach.

Nous découvrons ainsi l’écriture typique de l’Allemagne du 17ème  siècle, avec l’accompagnement obligé par quatre, cinq ou plus instruments à cordes, couvrant tous les registres de la famille des violons – violon, alto, alto ténor et basse de violon. Cette configuration, si souvent présente dans les compositions de Bruhns, Tunder, Buxtehude et d’autres, est encore utilisée par Jean-Sébastien Bach dans ses premières cantates, notamment dans la cantate Weimarienne « Widerstehe doch der Sünde », qui sera jouée vers la fin du programme.


Là où une texture en trio serait normalement typique pour accompagner les motets italiens pour voix seule, le « Salve Regina » du vénitien Giovanni Rovetta (1596-1668) présente aussi, de manière inhabituelle, un ensemble plus riche à cinq voix. Comme de nombreuses œuvres de ses collègues italiens, la musique du successeur de Claudio Monteverdi à la basilique San Marco circulait dans toute l’Europe et semblait jouir d’une grande popularité. Alors que son « Salve Regina » a été retranscrit et « protestantisé » par Franz Tunder, et peut-être interprété lors d’une « Abendmusik », c’est son original « catholique » qui sera joué dans notre programme.

La popularité de la musique polyphonique pour cordes est également caractéristique de la musique instrumentale du XVIIe siècle jouée en Allemagne, dont une sonata à 6 du vénitien Giovanni Valentini (~1582-1649) fait partie du programme, qui se distingue par ses sonorités sombres inhabituelles, son harmonie expressive et non conventionnelle et une section très particulière en métrique quinaire (quasiment une mesure à 5/4 !).

L’aria « Auf, lasst uns den Herren loben » de Johann Michael Bach est précédée d’une sinfonia sombre avec un solo de violon expressif qui reflète le thème de la pièce : là où Dieu a posé sa main protectrice sur nos propres contrées, la guerre et la misère règnent dans d’autres régions du monde — on se trouve entre la confiance en Dieu et la peur de la guerre.

Après une aria de Dieterich Buxtehude, célèbre successeur de Tunder à Lübeck, la sonate en mi mineur pour deux violons et basse continue de Johann Philipp Krieger, bijou peu connu du répertoire de la sonate en trio de son temps, installe un court moment d’intimité instrumentale dans notre programme.

La poignante déploration d’un pécheur repenti de Johann Christoph Bach (un frère de Johann Michael), basée sur des versets des lamentations de Jérémie, surnommée « Lamento », représente certainement l’un des points culminants du répertoire qui nous est transmis, avec sa déclamation chargée d’affects et son riche chromatisme, et constitue un témoignage mûr de l’adoption des techniques stylistiques théâtrales italiennes par les compositeurs allemands, à la suite de Schütz et d’autres.

L’Agnus Dei de la Messe en si mineur de Jean-Sébastien Bach nous transporte au cœur du 18e siècle, célèbre air d’alto qui est comme une prière de repentance, de consolation et d’espoir à la fin de la Messe en Si de Bach. Nous faisons suivre cette œuvre tardive d’une œuvre de jeunesse du célèbre compositeur : avec la cantate « Widerstehe doch der Sünde » de Jean-Sébastien Bach l’ensemble de cordes à cinq voix atteint un nouveau niveau de complexité. L’harmonie extrêmement inhabituelle, à la fois douloureuse et sublime, du premier mouvement reflète l’extrême volonté d’expression baroque de l’œuvre du début de Bach.

L’aria de Philipp Heinrich Erlebach « Trocknet Euch, ihr heissen Zähren », avec son texte résolument consolateur et ses harmonies majeures rassurantes, conclut le programme avec une perspective pleine d’espoir.